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2008, 61, 3, p.-

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La Phlébologie, une « fashion victim » de plus !

Phlebology, a further « fashion victim »

Auteurs/Authors : Benigni J.P.

Résumé :

La Phlébologie, une « fashion victim » de plus !

Phlebology, a further « fashion victim »

Benigni J.P.

Les modes se succèdent et la médecine n’y échappe pas. La seule différence avec d’autres univers est que la durée d’une mode en médecine est plus longue. Durant ces 40 dernières années, celle venue d’outre-Atlantique a consisté à marginaliser l’expérience pour exiger des preuves des technologies émergeantes. Preuves que l’on a voulues scientifiques, c’est à dire mesurables et reproductibles. La statistique s’en est mêlée. Et il faut le reconnaître, de nombreux progrès ont été faits. Les technologies nouvelles se raréfiant, peu à peu la raison a fait place aux raisonneurs. Des ayatollahs du petit « p » sont apparus : il faut publier pour exister. Plus de 5.000 revues médicales référencées, 100.000 articles environ sont publiés tous les ans. Le secondaire, l’anecdotique sont devenus l’objectif principal de nombre d’études. Dans les pays occidentaux, des organismes officiels ont voulu guider notre réflexion. En France, la Haute Autorité de santé (avec un petit « s ») a voulu faire le tri pour séparer le bon grain de l’ivraie, imposer des normes et surtout des économies.

La Phlébologie, une « fashion victim »…

« Fashion victim » pas tout à fait ! Ainsi, la médecine basée sur les preuves nous a appris qu’en Phlébologie :
– la crossectomie-éveinage n’était plus la reine qu’elle croyait être ;
– la compression est une référence incontournable en matière de traitement d’ulcère veineux : on le pressentait depuis Ambroise Paré !

A l’instar du parachute, nombre de pratiques phlébologiques ont échappé encore à l’épreuve basée sur les preuves. Bienheureux parachutiste qui risquait d’être inclus dans le groupe placebo !
« Fashion victim » quand même !

Pour certains, l’examen écho-Doppler devient le pivot de l’examen phlébologique. D’autres tentent de quantifier :
– les reflux lors de l’exploration écho-Doppler, oubliant que le reflux est fonction de la compression exercée sur le réservoir variqueux ;
– la douleur dite veineuse. On invente des échelles oubliant la raison de leur création et que la douleur est une plainte hautement subjective. Quantifie-t-on une sensation, un ressenti, un vécu ? On voudrait nous le faire croire… Vaste débat !

On fait fi de l’interrogatoire, de l’examen clinique avec ses quatre temps (inspection, palpation, percussion et auscultation).

Pourtant un simple interrogatoire chez un patient se plaignant de douleurs veineuses, de sensations de gonflement sans signe clinique visible devrait mettre notre esprit en alerte. Une étude prospective bien menée présentée au dernier European Venous Forum a permis de montrer que, onze ans après, on avait plus de chance de revoir ce même patient avec des oedèmes qu’avec des varices. La clinique reste donc dans ce cas un moyen simple d’identifier un patient à risque qu’il va falloir prévenir, suivre… voire traiter.

Autre exemple, la corona phlebectatica. Il est admis que la présence d’une corona à l’inspection est un signe de décompensation tissulaire. Or, grâce à la Bonn Vein Study, on a pu montrer qu’il n’en est rien. Mais une étude à paraître va permettre de déterminer le caractère de gravité d’une corona. Si sa surface dépasse la taille d’une surface comprise entre le talon et la malléole osseuse, cette corona peut être qualifiée de sévère donc à risque, correspondant bien à une décompensation tissulaire.

Ces quarante dernières années, une idéologie nouvelle (une mode ?) est née. Elle pourrait se résumer en la croyance de la primauté des nouvelles technologies. Une course en avant qui ne saurait résumer le progrès. L’arbre a fini par cacher la forêt.

Plus les technologies seront nombreuses, plus notre finalité sera de définir… la finalité à atteindre. Nous nous distinguerons par les valeurs qui guideront notre choix. Parions que notre choix sera dicté par des constatations cliniques… La clinique oblige à un pragmatisme.

Comment résoudre les grandes questions qui se posent actuellement en Phlébologie ? Citons :
– l’émergence de nouveaux aspects cliniques (personnes âgées, obésité, sédentarité) ;
– la quantification du réservoir veineux ;
– les indications thérapeutiques en fonction des techniques disponibles.
La confrontation permanente à des données cliniques nouvelles va pousser à un pragmatisme créatif.
Un seul exemple, la quantification du réservoir veineux…

Je prends un pari sur l’avenir. La réponse ne viendra pas d’une technologie nouvelle à la recherche d’une nouvelle pathologie, d’un marché mais d’un mariage intelligent de la clinique et de méthodes cartographiques nouvelles. A partir de là, des études prospectives avec des analyses statistiques fines nous permettront de proposer à nos patients le traitement le plus adapté à leur stade de maladie veineuse.

Ainsi, ne seront-ils plus les « fashion victims » d’une technologie nouvelle !

 

Summary :

La Phlébologie, une « fashion victim » de plus !

Phlebology, a further « fashion victim »

Benigni J.P.

Les modes se succèdent et la médecine n’y échappe pas. La seule différence avec d’autres univers est que la durée d’une mode en médecine est plus longue. Durant ces 40 dernières années, celle venue d’outre-Atlantique a consisté à marginaliser l’expérience pour exiger des preuves des technologies émergeantes. Preuves que l’on a voulues scientifiques, c’est à dire mesurables et reproductibles. La statistique s’en est mêlée. Et il faut le reconnaître, de nombreux progrès ont été faits. Les technologies nouvelles se raréfiant, peu à peu la raison a fait place aux raisonneurs. Des ayatollahs du petit « p » sont apparus : il faut publier pour exister. Plus de 5.000 revues médicales référencées, 100.000 articles environ sont publiés tous les ans. Le secondaire, l’anecdotique sont devenus l’objectif principal de nombre d’études. Dans les pays occidentaux, des organismes officiels ont voulu guider notre réflexion. En France, la Haute Autorité de santé (avec un petit « s ») a voulu faire le tri pour séparer le bon grain de l’ivraie, imposer des normes et surtout des économies.

La Phlébologie, une « fashion victim »…

« Fashion victim » pas tout à fait ! Ainsi, la médecine basée sur les preuves nous a appris qu’en Phlébologie :
– la crossectomie-éveinage n’était plus la reine qu’elle croyait être ;
– la compression est une référence incontournable en matière de traitement d’ulcère veineux : on le pressentait depuis Ambroise Paré !

A l’instar du parachute, nombre de pratiques phlébologiques ont échappé encore à l’épreuve basée sur les preuves. Bienheureux parachutiste qui risquait d’être inclus dans le groupe placebo !
« Fashion victim » quand même !

Pour certains, l’examen écho-Doppler devient le pivot de l’examen phlébologique. D’autres tentent de quantifier :
– les reflux lors de l’exploration écho-Doppler, oubliant que le reflux est fonction de la compression exercée sur le réservoir variqueux ;
– la douleur dite veineuse. On invente des échelles oubliant la raison de leur création et que la douleur est une plainte hautement subjective. Quantifie-t-on une sensation, un ressenti, un vécu ? On voudrait nous le faire croire… Vaste débat !

On fait fi de l’interrogatoire, de l’examen clinique avec ses quatre temps (inspection, palpation, percussion et auscultation).

Pourtant un simple interrogatoire chez un patient se plaignant de douleurs veineuses, de sensations de gonflement sans signe clinique visible devrait mettre notre esprit en alerte. Une étude prospective bien menée présentée au dernier European Venous Forum a permis de montrer que, onze ans après, on avait plus de chance de revoir ce même patient avec des oedèmes qu’avec des varices. La clinique reste donc dans ce cas un moyen simple d’identifier un patient à risque qu’il va falloir prévenir, suivre… voire traiter.

Autre exemple, la corona phlebectatica. Il est admis que la présence d’une corona à l’inspection est un signe de décompensation tissulaire. Or, grâce à la Bonn Vein Study, on a pu montrer qu’il n’en est rien. Mais une étude à paraître va permettre de déterminer le caractère de gravité d’une corona. Si sa surface dépasse la taille d’une surface comprise entre le talon et la malléole osseuse, cette corona peut être qualifiée de sévère donc à risque, correspondant bien à une décompensation tissulaire.

Ces quarante dernières années, une idéologie nouvelle (une mode ?) est née. Elle pourrait se résumer en la croyance de la primauté des nouvelles technologies. Une course en avant qui ne saurait résumer le progrès. L’arbre a fini par cacher la forêt.

Plus les technologies seront nombreuses, plus notre finalité sera de définir… la finalité à atteindre. Nous nous distinguerons par les valeurs qui guideront notre choix. Parions que notre choix sera dicté par des constatations cliniques… La clinique oblige à un pragmatisme.

Comment résoudre les grandes questions qui se posent actuellement en Phlébologie ? Citons :
– l’émergence de nouveaux aspects cliniques (personnes âgées, obésité, sédentarité) ;
– la quantification du réservoir veineux ;
– les indications thérapeutiques en fonction des techniques disponibles.
La confrontation permanente à des données cliniques nouvelles va pousser à un pragmatisme créatif.
Un seul exemple, la quantification du réservoir veineux…

Je prends un pari sur l’avenir. La réponse ne viendra pas d’une technologie nouvelle à la recherche d’une nouvelle pathologie, d’un marché mais d’un mariage intelligent de la clinique et de méthodes cartographiques nouvelles. A partir de là, des études prospectives avec des analyses statistiques fines nous permettront de proposer à nos patients le traitement le plus adapté à leur stade de maladie veineuse.

Ainsi, ne seront-ils plus les « fashion victims » d’une technologie nouvelle !

 

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