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Catalogue / article

2012, 65, 3, p.5-8

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La médecine vasculaire a-t-elle un avenir ?

Is there still a future for vascular medicine?

Auteurs/Authors : Yvorra H.

Résumé :

La médecine vasculaire a-t-elle un avenir ?

Is there still a future for vascular medicine?

Yvorra H.

Introduction

La médecine vasculaire existe, elle est certes hospitalo-universitaire mais surtout libérale, exercée à titre exclusif par près de 2000 praticiens libéraux.

Cette interrogation concernant son avenir ne serait-elle pas que l'expression de notre malaise, de notre angoisse quant à la pérennisation de notre activité professionnelle qui, pensons-nous, passe par la reconnaissance, enfin, de la spécialité de médecine vasculaire ?

Bien malin qui, sans relever de la divination, pourrait prévoir l'avenir exact de notre discipline.

Analyse prospective

Mais nous pouvons faire un peu de prospective, même si cet exercice reste délicat, pour élaborer quelques pistes sur la base de l'analyse de données disponibles (états des lieux, tendances lourdes…). Le présent accouche de l'avenir, disait Voltaire Et c'est sans doute la situation actuelle de la médecine vasculaire, sans cadre précis dans notre système des soins, qui génère cette angoisse.

À l'aube de ce XXIe siècle, l'exercice libéral de la médecine est promis à de profondes modifications.

• Il suffit pour s'en convaincre de parcourir les nombreux rapports institutionnels (CNOM, Conférence des doyens, Académie de médecine et surtout le rapport d'Elisabeth Hubert) et de constater les dernières dispositions imposées par les pouvoirs publics dans la dernière convention. • Ces dispositions bouleversent les principes fondamentaux de l'exercice libéral de la médecine (indépendance, paiement à l'acte, liberté de choix, liberté de prescription, liberté d'installation). • Mais veut-on vraiment encore maintenir une médecine libérale forte ? On est en droit de ne pas en être convaincu à la lecture de certains articles de la loi HPST mise en place par le gouvernement précédent et surtout à la suite des déclarations récentes de notre nouvelle ministre de la Santé : «… Notre système de soins, un des meilleurs, se résume à l'hôpital public, les autres acteurs n'étant que des renforts... ».

Quelles pourraient être actuellement les craintes les plus justifiées ?

Les maladies vasculaires représentent un enjeu important de santé publique. Pour autant nous n'avons pas le sentiment que dans les projets, les décisions prises, leur place soit véritablement intégrée.

L'absence d'une véritable reconnaissance

Cette absence d'identification nous cantonne actuellement dans la nébuleuse des MEP (ni généraliste, ni spécialiste) et risque d'être source de tous les dangers dans les futures conventions médicales.

Le transfert des compétences/des tâches

Si des tâches peuvent être déléguées (c.à.d. confiées en partie à un autre professionnel de la santé, avec conservation de la responsabilité du déléguant) voire transférées (c.à.d. confiées dans sa totalité, y compris en terme de responsabilité à une autre profession de la santé, existante ou à créer), il n'en est pas de même pour les compétences qui ne sont ni délégables ni transférables mais acquises, nécessaires à la maîtrise pour la réalisation des actes.

En ce qui concerne l'exercice de la médecine vasculaire, quels sont les impacts ?

• En milieu hospitalier, l'intervention de techniciens d'EFV peut sembler adaptée. Elle existe d'ailleurs déjà dans certains services.

Le transfert de tâches vers des manipulateurs radio, ou des infirmières formées se fait à la demande d'un praticien qui garde toute sa responsabilité à tous les niveaux.

Les hospitaliers semblent, par ailleurs, très demandeurs, pour des raisons essentiellement d'organisation de leur service.

• En ce qui concerne l'exercice libéral de la médecine vasculaire, la problématique est toute différente.

La prise en charge du patient est totale, du diagnostic à la thérapeutique. Les EFV ne sont que le prolongement de l'examen clinique. La plupart des médecins vasculaires libéraux n'exercent pas au sein d'un regroupement qui pourrait leur permettre de salarier une ou un technicien d'EFV.

Le financement de ces transferts de tâches n'est pas connu. Mais il semble peu probable que les caisses acceptent de rembourser de façon identique un même acte fait par un médecin ou un technicien d'EFV. Il en résultera ipso facto une dévalorisation de l'acte lui-même.

L'intérêt de ces transferts de tâches peut séduire les radiologues (qui ont déjà des manipulateurs radio) ou les cardiologues, déjà surbookés qui pourraient ainsi se « réapproprier » les pathologies artérielles périphériques.

Pour toutes ces raisons le SNMV reste hostile au transfert de tâches, véritable cheval de Troie du transfert de compétences,en ce qui concerne l'exercice libéral.

L'évolution des technologies

Les explorations écho-Doppler seront-elles supplantées par des techniques plus performantes, généralement propres aux radiologues ?

L'imagerie médicale est en plein essor avec des images plus précises, plus rapides, moins irradiantes avec l'utilisation de plus en plus fréquente de première intention des angio-IRM, TDM et surtout avec l'apparition de nouveaux appareils (mini-IRM).

Pour l'instant, et sans doute pour un certain temps encore, les ED, avec leurs améliorations technologiques restent indispensables à la prise en charge des pathologies vasculaires.

Mais dans l'avenir leur utilisation pourrait en partie échapper aux médecins vasculaires.

Et cette crainte est d'autant plus justifiée que nombreux sont les médecins vasculaires et surtout les plus jeunes qui ont une activité essentiellement, voire exclusivement d'explorations fonctionnelles.

Dans ces conditions il existe une véritable menace pour maintenir une activité professionnelle pérenne.

Pour pallier à ce danger, l'exercice concomitant de la phlébologie doit être privilégié. C'est ce message d'un exercice complet de la médecine vasculaire que nous préconisions depuis de nombreuses années auprès des futurs médecins.

L'activité phlébologique

Les progrès de la phlébologie ont été considérables mais il existe encore et depuis de nombreuses années un décalage entre ces progrès et la formation phlébologique des futurs médecins vasculaires.

Alors que les plus anciens avaient bénéficié d'une formation pratique dans les services hospitaliers formateurs, dans les dispensaires et par compagnonnage, les étudiants et les jeunes installés n'ont, en général, qu'une connaissance théorique des actes thérapeutiques.

Il est indispensable, nécessaire à la survie d'une médecine vasculaire libérale d'obtenir une réelle formation pratique notamment aux sclérothérapies, aux techniques endovasculaires.

Les universitaires qui forment les futurs médecins vasculaires doivent prendre conscience, autrement que dans leurs discours, de l'importance de cette formation et se doivent de mettre en place des stages hospitalo-universitaires réels, des coopérations validantes avec les médecins installés.

Outre cet apprentissage pour les futurs médecins, il est indispensable d'obtenir :

une revalorisation des actes de sclérothérapie. Les négociations avec la CNAMTS, concernant l'échosclérose des troncs saphéniens devraient aboutir dans des délais raisonnables ;

une AMM pour la mousse, que nous n'avons toujours pas et qui nous mettrait à l'abri d'éventuels problèmes médico-légaux dans une société qui se judiciarise de plus en plus.

Il est également primordial d'affirmer notre légitimité dans la pratique des actes interventionnels endovasculaires validés (radiofréquence, laser endoveineux) et d'acquérir leur remboursement qui devrait mettre fin à une concurrence pas toujours très équitable de la part de certains chirurgiens...

À nous médecins vasculaires de nous approprier ces techniques, mais également de celles qui sont encore en voie de développement comme la thermo-ablation par injection de micropulses de vapeur d'eau (Steam Vein Sclerosis) dont les coûts ne sont pas comparables aux précédentes, et qui devraient donc fortement intéresser la CNAM.

Conclusion

En définitive, la médecine vasculaire a-t-elle encore un avenir ? Assurément, et ce serait l'aboutissement légitime de nos efforts depuis des décennies de quête, si les pouvoirs publics la reconnaissaient comme une spécialité à part entière.

Mais ce combat qui engage toutes les composantes de la sphère vasculaire n'est pas encore gagné. Et le serait-il, qu'il faudrait enfin aborder la question de la qualification des médecins vasculaires libéraux installés : le « stock ».

Sans cette spécialité, l'avenir apparaît évidemment plus incertain pour les médecins vasculaires, mais surtout plus hasardeux, voire néfaste pour la population vieillissante avec des besoins sanitaires et une prévalence augmentée des affections vasculaires périphériques.

Ces maladies vasculaires périphériques, véritable enjeu de santé publique, risquent de ne plus être prises en charge par des praticiens correctement formés à la gestion de ces pathologies.

À ce risque sanitaire s'ajoute celui d'une augmentation des coûts lors de la prise en charge répartie entre plusieurs acteurs de la santé plutôt que limitée au seul médecin vasculaire.

Sans être cynique, si les pouvoirs publics ne sont pas sensibilisés à cet enjeu de santé publique, qu'ils le soient au moins quant à son aspect économique, en ces périodes où sont prônées les réductions des dépenses de l'État.

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